« La plume oublie la chair. Comme un oiseau de mer, je fuis au large, tantôt battant de l’aile, tantôt glissant infiniment. Je scrute une immensité bleue que brise le saut des poissons d’or. Je rêve à des îles et me souviens de migrations anciennes. Où va la chair ? Juste une tache blanche que fait le cœur quand il s’arrête.
J’écris dans le souvenir d’une orée, ou d’un matin d’hiver étincelant de givre. Je creuse un lent filon de neige, au fond d’une mine de chair.
Je crois inventer,
je me souviens.
Écrire est un geste lent sous la lampe. Je mets des ombres au monde. Je me souviens de ce qui n’a pas eu lieu. Aucune croyance ne me nourrit. Je cherche le nom juste, une idée approximative de chair tiède. Je trace avec application des signes incertains. »
Jean-Michel Maulpoix, Un dimanche après-midi dans la tête