il y aurait une maison bâtie à même la roche et le bruit des vagues qui éclatent contre. il y aurait pas très loin, distinct, le bruit de cordes, un violoncelle peut-être, un violoncelle dont on prend soin, comme on réchauffe un enfant à la sortie des rouleaux… lent… appuyé… grave… il y aurait si l’on tendait l’oreille un peu plus, le bruit de cordes qu’on frappe, sec, arythmique, aigu, les dernières touches d’un piano, celui laissé en arrière peut-être, à la ville-lumière il y a quelques années, et la sensation de ta présence derrière moi.
il y aurait cette baie vitrée, vieille, crasseuse, qui laisse l’air s’infiltrer et qu’on aurait du mal à réouvrir après tant d’années, combien de temps, assez longtemps pour devoir passer la main dessus, surface rugueuse, poussiéreuse, calque marronnasse, pour réussir à voir ce qui git en contrebas : la roche, l’eau, la nuit, le blanc. il y aurait nos souvenirs restitués, séparés, et l’effleurement de nos silences, pleins, à l’idée de ces lendemains : communs. notre émotion, palpable… il y aurait cette bouteille de vin, pourpre, lourd, dont on laisserait docile, patient, la respiration se faire, et nous : vivre.
il y aurait l’ellipse du temps, les frontières arrachées, les dérapages oubliés et nos faiblesses acceptées. il y aurait l’hiver, l’odeur du temps, cette table en bois, un matelas, ces murs nus et quelques vieilles couvertures qu’il faudrait penser à aérer. il y aurait nos joues creusées par la fatigue, nos ventres par le désir, et les cernes du trajet. il y aurait cette nuit, notre arrivée, il y aurait toi, il y aurait moi, et nos pompes dégueulasses qui trainent entre deux sacs de provisions et trois pots de peinture, rien d’autre.