Commencer par le début, ça peut aider à comprendre.
J’ai reçu ce matin une carte sans un mot manuscrit dessus. Elle montre la scène étrange d’un ange cheveux clairs bouclés mordu par un chien, c’est ce que l’on devine à l’ange qui se tient le mollet et dans un rictus de douleur contemple hébété le chien qui se trouve derrière lui — petit chien de chasse, poils longs, oreilles tombantes, la robe tachetée. Au dos, mon nom mon adresse typographiés à l’encre coulée et le sceau d’une poste inconnue. Rønne… Rønne… Ce nom claque comme une porte dans un gouffre de vent — je sais que c’est toi. Que fais-tu si loin là-bas ? Cette mauvaise photo est la seule qu’il me reste de toi. Tu m’avais dit qu’il te fallait partir, tu ne m’avais pas dit où ; ni quand. Qui étais-je pour te poser la moindre question. Ton regard était clair ce soir-là : tu ne m’emmènerais pas. Les murs crient au vide et mes fenêtres grandes ouvertes laissent rentrer la lumière calme de fin d’été, il fait pourtant si froid. Te souviens-tu que chaque matin alors tu me répétais ces mêmes mots alors que j’avais les yeux encore à demi-clos… « L’instant volé du visage d’une femme révèle quelque chose à propos du Temps lui-même », le Temps m’a désertée.