Couchez-vous, en ce jour de janvier lumineux, sur le plancher, dans un rayon de soleil, un peu à l’abri du vent et appréciez pendant un très long temps cette situation roulant peu à peu vers la gauche selon la rotation de la terre. Comme le soleil est bas sur l’horizon à cette époque, ses rayons rasent votre corps et, dans vos yeux baignés par la lumière, les mouvements de vos joues et de votre bouche viennent porter leurs ombres en trois dimensions sur le rideau de vos cils.
C’est un jour béni coincé entre deux jours de tumulte, le tumulte de l’autoroute, le tumulte de la voiture, la voiture où j’étais, que je conduisais, au milieu de la horde des voitures, des pulsations de la horde et de mon propre cœur près de rompre. Heureusement qu’au-dessus de la horde il y avait le tumulte, le grand silence tumultueux du ciel.
Couchez-vous en ce jour de janvier lumineux sur le plancher dans un rayon de soleil et vous saurez ce que vous êtes, de quels éléments vous êtes pétri, ce qui vous manque et ce qui vous a comblé, et que de votre corps vous êtes l’habitant coutumier et passager. Parfois, il est le cheval trop fougueux et parfois la gélatine visqueuse que votre énergie tente de déplacer.
Eugène Savitzkaya, Fou Civil